Quelques tests, dont un français, cherchent à détecter les cancers grâce à une simple prise de sang. Ils permettraient de détecter la maladie, même à un stade précoce. Mais cela n’est pas pour tout de suite.
Le dépistage du cancer grâce à une simple prise de sang est un sujet de recherche bouillonnant. Plus de 50 équipes partout dans le monde, dont certaines financées par des géants tels que Google et Amazon, y travaillent. Et régulièrement, leurs résultats sont largement relayés dans les médias. Ce n’est pas étonnant car ils sont porteurs de grands espoirs. Ces tests permettraient de déceler un cancer à un stade très précoce, avant même l’apparition de symptôme.
COMMENT EST-CE POSSIBLE ?
Grâce aux indices libérés par la tumeur dans la circulation sanguine, il est en théorie possible de repérer très précocement une tumeur par une seule prise de sang. Mais la tâche est loin d’être facile. Car plus le cancer est précoce, plus les indices sont présents en de très faibles quantités.
« Les techniques pour les détecter doivent être extrêmement sensibles, relève le Dr Alain Thierry, directeur de recherche à l’Inserm, pionnier dans l’utilisation de l’ADN circulant. Les fragments d’ADN tumoraux, par exemple, peuvent compter pour 0,01 % seulement de tous les fragments d’ADN libérés dans le sang par l’ensemble des cellules du corps. » Autant rechercher une aiguille dans une botte de foin !
Même défi pour les cellules circulantes : un test doit être en mesure de détecter une cellule tumorale baignant au milieu de milliards de globules rouges et de millions de globules blancs.
POUR QUELS TYPES DE CANCERS ?
Théoriquement, tous les types de cancers peuvent être ainsi dépistés. C’est d’ailleurs l’objectif visé par une poignée d’équipes dans le monde, dont celle d’Alain Thierry.
Son test MiTest est en cours d’évaluation. Mais les efforts se concentrent surtout sur les cancers les plus fréquents, comme ceux du sein, du côlon, ou du poumon, ou que l’on ne sait pas encore détecter de façon précoce, comme le cancer de l’ovaire ou du pancréas.
EST-IL DISPONIBLE ?
En France, seul le test ISET est déjà commercialisé. Il est réalisé dans un seul laboratoire, à Paris, sur prescription médicale, et coûte 486 €, non remboursés par la Sécurité sociale.
Même si le laboratoire le positionne pour suivre des patients en cours de traitement afin de déterminer la thérapie la plus efficace et quel est leur risque de rechute, il indique aussi que ce test peut être réalisé chez des patients sans cancer diagnostiqué. « Mais il n’est pas à ce jour validé dans cette utilisation », souligne le Pr Jacques Cadranel.
EST-CE FIABLE ?
Pas encore, car la plupart de ces tests ont été étudiés chez des personnes dont les médecins savaient déjà qu’elles avaient un cancer. Pas dans un contexte de dépistage, qui impliquerait de les réaliser chez des personnes n’ayant pas encore reçu de diagnostic. De plus, même dans les cas où le cancer est déjà connu, les résultats ne sont pas toujours satisfaisants. Par exemple, le test Cancer SEEK mis au point par les chercheurs de l’université de Johns Hopkins, à Baltimore, aux États-Unis, a détecté 43 % seulement des cancers les plus précoces (stade 1). « C’est trop peu pour envisager son utilisation », dit Bernard Millerron.
Un seul test, baptisé ISET,
mis au point par l’équipe du Pr Patrizia Paterlini-Bréchot, de l’université Paris-Descartes, a été évalué chez 168 personnes ayant un risque élevé de développer un cancer du poumon, car souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), mais dont les scanners étaient normaux. Ce test a détecté la présence de cellules tumorales circulantes chez cinq d’entre elles, dont le cancer a grossi jusqu’à devenir visible un à quatre ans plus tard. En revanche, celles chez qui aucune cellule tumorale circulante n’a été détectée n’ont pas développé de cancer. « Des résultats intéressants mais obtenus sur un petit nombre de patients, et qui doivent être confirmés sur une plus grande population », note le Dr Bernard Milleron.
« Une étude, baptisée AIR,
est justement en cours auprès de 600 fumeurs âgés de plus de 55 ans et atteints de BPCO pour déterminer si la recherche de cellules tumorales dans le sang grâce à la technique ISET, améliore la détection précoce des cancers du poumon par rapport au scanner », ajoute le Pr Cadranel.
QUEL IMPACT SUR LES TRAITEMENTS ?
Pour le moment, ces tests restent dans le domaine de la recherche et ne modifient pas les traitements. L’espoir est, qu’à l’avenir, ils permettent de dépister des cancers à un stade encore plus précoce que ce que la médecine permet actuellement, afin de proposer des traitements moins lourds et plus efficaces.
Une avancée certaine qui pourra néanmoins engendrer une bonne dose de stress. Car, pour commencer un traitement, encore faut-il connaître la taille et les caractéristiques de la tumeur. Or, il se peut qu’il existe un délai, plus ou moins long, entre le moment où le cancer est détecté dans le sang et celui où il est visible par les techniques d’imagerie et opérable. Pour trois des patients atteints de BPCO chez qui la prise de sang avait détecté un cancer, il a fallu attendre quatre ans avant de visualiser la tumeur grâce au scanner. En pratique, ce genre de test débouchera sans doute sur un suivi rapproché. Or, la répétition de scanners ou de radiographies n’est pas sans conséquence sur la santé. Sans compter les radiations émises, ils peuvent aussi générer un risque de surdiagnostic.
« Il se peut que le système immunitaire soit capable d’éliminer les cellules tumorales circulantes ainsi qu’un cancer naissant, reconnaît le Pr Paterlini-Bréchot. Cette possibilité demande à être vérifiée par de nouvelles études. » Ces tests pourraient ainsi détecter de petites tumeurs qui n’auraient pas évolué et n’auraient jamais causé de problème, comme c’est parfois le cas pour le cancer de la prostate. Il reste donc encore à relever d’importants défis avant que ces tests passent du domaine de la recherche à celui de la clinique.
▶ Des cellules se décrochent de la tumeur et circulent dans les vaisseaux sanguins.
▶ De l’ADN, matériel génétique est utilisé pour identifier les cellules cancéreuses (ADN tumoral).
▶ Certaines protéines indiquent qu’une personne peut avoir un cancer.
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