Maladies chroniques. Activité physique contre le diabète ? La dépression ? L’expertise de Grégory Ninot.
Le Montpelliérain Grégory Ninot, psychologue, dirige une unité de recherche d’évaluation des méthodes non médicamenteuses à l’université de Montpellier. C’est l’un des 14 experts réunis par l’Inserm pour passer au crible 1 600 études sur l’intérêt du sport dans le traitement des maladies chroniques, qui affectent un Français sur quatre. Un rapport a été rendu le 14 février dernier. Avec des recommandations.
Que retenir du rapport de l’Inserm sur l’intérêt du sport pour prendre en charge des pathologies chroniques ?
Ce groupe interdisciplinaire, avec des cardiologues, des épidémiologistes, des sociologues… a fait le tour de la littérature scientifique pour établir de vraies recommandations, essentiellement sur 11 pathologies, en donnant les bases scientifiques de la prescription, et le contenu des programmes par pathologie.
On sort de généralités, « le sport, c’est bon pour la santé » ?
On sort des amalgames assez fréquents qui disent : “On va bouger plus, et bouger plus, c’est bien.” On le sait, l’Inserm l’a déjà confirmé en 2009. La question, c’est : “Est-ce que les programmes d’activité physique ont une visée thérapeutique ?” Pour la première fois, il y a des contenus précis qui vont avoir une fonction thérapeutique, voire même, dans certaines pathologies, et on le dit aussi pour la première fois, des fonctions de guérison.
Pour quelles pathologies ?
Le diabète de type 2 pris précocement, l’obésité quand l’indice de masse corporelle est à 30, les trouble dépressifs mineurs à modérés, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (Ndlr : obstruction partielle ou totale des artères des membres inférieurs, pied, jambe ou cuisse, une maladie qui touche 3 % de la population).
Comment agit le sport ?
Il n’y a pas un principe unique, comme avec un médicament. Le sport agit de façon globale sur le cerveau et sur les muscles, et ces mécanismes sont en interaction. Prenons l’exemple de la dépression : le sport génère la sécrétion de sérotonine (NDLR : un neurotransmetteur impliqué dans la gestion de l’humeur, la sensation de bonheur), mais il distrait aussi le patient de pensées négatives intrusives.
La littérature est dense, ce qui permet d’avoir le niveau de preuve et de recommandations le plus élevé. Ce qui a aussi conduit a quelque chose qui n’existait pas dans les rapports précédents : l’idée qu’il faudrait que ces programmes soient prescrits le plus tôt possible, en première intention, et non quand la maladie est installée.
Comment prescrire des séances d’activité physique adaptée ?
L’arsenal technique existe depuis la loi du 26 janvier 2016 et le décret de mars 2017 : les médecins peuvent prescrire de l’activité physique à des personnes en affection longue durée. Il manque un aspect, le remboursement. Il implique l’Assurance-maladie et les mutuelles. On espère des choses très concrètes. Ce n’est pas la commission Théodule qui a fait le énième rapport. L’Inserm était la dernière pierre scientifique d’un édifice en construction.
On est vraiment au-delà des « 10 000 pas » ou des 30 minutes de marche quotidienne ?
Totalement. On est bien dans des contenus. Pour une maladie comme la BPCO, on doit plutôt faire de l’endurance, pour de la dépression, il vaut mieux faire du renforcement musculaire et de l’endurance mais au moins trois séances par semaine… Les contenus seront “pathologie dépendant”.
En face, il y a des gens formés à ces prises en charge ?
Oui, c’était prévu dans le décret, et ce sera redéfini dans le cadre d’une stratégie nationale. Si vous êtes dans des cas très graves, la prise en charge sera plutôt dans des hôpitaux et des centres de réadaptation, qui existent déjà, qui seront encore plus sensibilisés.
Dans des cas moins lourds, les kinésithérapeutes seront en première ligne.
Sur l’activité physique adaptée, il y a des étudiants de la filière Staps déjà formés qui exercent en libéral, dans les associations, les maisons de santé. Enfin, en tout début de pathologie, on est sur le sport santé, il y a des professionnels type cours de gymnastique volontaire. L’offre existe, mais chacun devra évoluer. Il faudra une labellisation des professionnels et des programmes les plus pertinents.
Vous rappelez qu’un tiers des patients abandonnent aujourd’hui les programmes qui existent au bout de six mois…
C’est un traitement plus compliqué qu’un médicament, facile à prendre, et pourtant parfois mal pris. Je pense qu’il faudra passer par des patients partenaires, l’utilisation des réseaux sociaux, des conférences grand public, toutes les voies de suivi et de traçabilité par les médecins et des coachs à distance. Il faudra une combinaison de tout ça pour entretenir cette motivation. Je pense aussi qu’on ira vers une politique de la carotte et du bâton, on sera dans une politique contractuelle avec les polices d’assurance.
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