Alcoolisme À qui s’adresse vraiment le Baclofène ?

De nouvelles études viennent d’être publiées sur le Baclofène, ce médicament prescrit contre l’abus d’alcool. Petit à petit, un profil du patient se dessine. Sylvie Dellus. En quelques années, le Baclofène s’est installé dans le paysage de l’alcoologie. Le congrès mondial sur cette dépendance qui s’est tenu à Berlin, le 3 septembre dernier, a permis de mieux cerner les buveurs à qui ce médicament, initialement prescrit contre les spasmes musculaires, est susceptible d’apporter une aide. Les dernières études ont confirmé ce que beaucoup de patients racontent : le Baclofène aide à réduire sa consommation d’alcool. Boire moins, c’est déjà reprendre sa santé en main. Mais ce médicament n’est pas, pour autant, miraculeux. Il ne convient pas à tout le monde et ne remplace pas l’indispensable accompagnement psychologique.

DES AVANTAGES INDÉNIABLES

Le Baclofène séduit les personnes qui veulent avancer à leur rythme et retrouver la maîtrise de leur consommation.

Pour les gros buveurs

Alcoolisme traitementSi le Baclofène est efficace chez plus d’un patient sur deux (56,8 % dans l’étude Bacloville), c’est chez les gros buveurs qu’il donne les meilleurs résultats. « Dans l’étude Alpadir que nous avons menée, les patients à haut risque sont passés, sous Baclofène, de 12 verres par jour à 3, contre 4,5 verres chez les patients sous placebo », souligne le Pr Michel Reynaud, président du fonds Action Addictions. À ce niveau de consommation, considéré comme modéré, les effets sur la santé sont immédiats : « Le patient se sent mieux. Il n’est plus anesthésié par l’alcool. Les maux de tête et les tremblements disparaissent. Il est moins déprimé et moins agressif. Il perd du poids. Et surtout, il est satisfait car il maîtrise mieux la situation », constate le Dr Xavier Aknine, responsable du pôle Médecine générale de la Fédération addiction.

Pour reprendre le contrôle

Les dernières études ont montré l’effet anticraving du Baclofène. Le craving, c’est l’envie irrépressible de boire, un symptôme de dépendance à l’alcool. « Souvent, il s’agit de personnes qui commencent à boire le soir et qui n’arrivent plus à s’arrêter. Le Baclofène les freine », remarque le Dr Aknine. Pour lui, l’un des premiers signes d’efficacité du médicament, « c’est lorsque le patient boit plus lentement ». Il n’avale plus son verre d’un trait. Ceux qui répondent bien au traitement racontent qu’ils deviennent indifférents à l’alcool. Agir sur ce craving a également l’avantage de limiter le risque de rechute après l’arrêt de l’alcool.

Pour ceux qui ne sont pas prêts à l’abstinence

Certains buveurs n’envisagent pas leur vie sans alcool, même s’ils ont conscience d’en abuser. En les aidant à réduire leur consommation, le Baclofène leur permet de franchir une étape. « Le patient devient acteur du processus, dit le Dr Aknine. Il régule lui-même sa consommation et sa prise de médicament. S’il a tendance à boire le soir, il peut prendre une dose plus importante vers 17 heures, ce qui lui donnera une bonne protection à l’heure de l’apéritif ».

UN TRAITEMENT EXIGEANT

C’est à la fois un avantage et un inconvénient. Un traitement sous Baclofène exige la participation active du patient et beaucoup de patience.

Un dosage à ajuster

On commence en principe à petite dose, 15 milligrammes (mg) par jour, et on augmente progressivement en franchissant un palier tous les trois jours. Cette période de réglage s’étale sur trois mois. Selon le Pr Reynaud, « cela demande des échanges importants entre le patient et son médecin autour de la dose et des effets secondaires ». La dose efficace diffère selon les individus. Pour l’instant, rien ne permet de la prévoir à l’avance. Certains auront besoin de leurs 300 mg quotidiens. En pratique, cela signifie prendre 30 comprimés dans la journée. Il faut le savoir et l’accepter.

Des effets secondaires à gérer

Environ 15 % des patients ressentent des effets indésirables sous Baclofène, la plupart sans gravité et dépendants de la dose. La somnolence est le plus fréquemment rapporté. En cas de conduite automobile, il vaut mieux s’abstenir de prendre le volant la première semaine de traitement (le temps de s’habituer) ou prendre ses comprimés en soirée. Des effets indésirables graves, comme des apnées du sommeil, des crises d’épilepsie et même des suicides ont été signalés, même si le lien avec la prise de Baclofène n’est pas formellement établi. D’autres études sont attendues pour mieux cerner ces problèmes. En attendant, le Pr Reynaud constate « qu’environ un patient sur trois arrête le traitement car il ne supporte pas les effets secondaires ». Par ailleurs, il existe des contre indications fixées dans le cadre de la Recommandation temporaire d’utilisation accordée au Baclofène en 2014 : insuffisance rénale sévère, épilepsie, certains troubles psychiatriques…
100 000 personnes en difficulté avec l’alcool ont pris du Baclofène, dont 7 000 dans le cadre “officiel” de la Recommandation temporaire d’utilisation (RTU). (Source : Assurance-maladie) ET SI ÇA

NE MARCHE PAS ?

D’autres solutions existent pour en finir avec l’alcool. « Quand le Baclofène ne marche pas, il ne faut pas laisser tomber le patient. On peut recourir à une hospitalisation pour sevrage, voire des soins de réadaptation. Quant à l’aide des associations de patients, elle reste très importante », insiste le Pr Reynaud. Autre alternative possible : essayer un médicament d’utilisation plus simple – 1 comprimé par jour – le nalméfène (Selincro), autorisé depuis 2014 dans l’alcoolodépendance. Reste désormais à comparer les avantages et inconvénients du Selincro et du Baclofène. UN

MÉDICAMENT À PRESCRIRE D’EMBLÉE ?

En théorie, le Baclofène n’est conseillé qu’après échec d’autres traitements. Peut-il être prescrit en première intention ?

OUI, assure le Dr Xavier Aknine, qui rappelle que le Baclofène est prescrit dans 60 % des cas par un médecin généraliste : « Il y a quelques années, on voyait des patients désespérés qui avaient tout essayé et pour qui c’était le médicament de la dernière chance. Aujourd’hui, des personnes qui consultent pour la première fois pour leur problème d’alcool me le demandent d’emblée. »

NON, estime le Pr Michel Reynaud, au vu des effets secondaires et de l’efficacité « modérée » du produit, avant de préciser : « Sauf si le patient réclame du Baclofène. L’alliance thérapeutique se construit aussi en acceptant ce que veut le patient. »

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